« Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan ! Qu’est-ce que c’est que ces hurlements ? », le premier tome de La Pension Moreau s’ouvre sur ces mots tirés de La Chasse à l’enfant, poème de protestation écrit par Jacques Prévert lorsqu’en 1934, les habitants de Belle-Île-en-Mer effectuent une battue pour ramener les enfants évadés de la colonie pénitentiaire.
C’est ce bagne qui a inspiré au scénariste Benoît Broyart l’histoire d’Émile Lefort, un jeune garçon réfugié dans son mutisme qui passe son temps à dessiner. Ses parents ont décidé de le confier définitivement au Professeur Turoc, le hibou directeur de la Pension Moreau, qui moyennant cinq lingots d’or, entend bien « le replacer dans le droit chemin ». Entre corvées, brimades et châtiments, le quotidien du pauvre Émile tourne vite au cauchemar. À la Pension Moreau (clin d’œil à L’Île du Dr Moreau, le roman de H.G. Wells), seuls les enfants ont un visage humain. Les adultes sont des animaux dont l’allure bestiale est renforcée par les plans serrés, et les grosses têtes caractéristiques de Marc Lizano. Le dessinateur a su créer une atmosphère très sombre autour d’Émile et ses compagnons d’infortune : Paul, Victor et sa sœur Jeanne. Dans le décor austère du pensionnat, une amitié fragile se tisse entre les quatre enfants auxquels, de jour comme de nuit, l’histoire ne laisse aucun répit. Même s’il met en scène un univers spécifique où chacun réagit à sa manière, on mesure à travers cet album combien la place de l’enfant dans la société a pu évoluer depuis les années 1930. Il faudra attendre la suite de la trilogie conseillée à partir de huit ans, pour savoir de quelle façon nos héros sauront se défendre face à « la meute des honnêtes gens ».
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