par Benjamin Roure, le 23 décembre 2019
L’amitié est une valeur largement abordée dans la bande dessinée jeunesse. La preuve avec quatre albums fort différents et qui échappent à tout sentiment de niaiserie : du souvenir émouvant de jeunesse au thriller quasi horrifique, en passant par l’humour et la grande aventure. […] Inspirée par l’histoire vraie d’enfants qui se sont enfuis d’un bagne à Belle-Île-en-Mer en 1934, et qui avait conduit Jacques Prévert à écrire le poème « La Chasse à l’enfant », cette trilogie met en scène des marmots, jugés trop turbulents ou trop atypiques, envoyés dans une terrible pension censée leur faire retrouver le droit chemin. Une véritable prison, en réalité, où ils sont brimés, torturés, assassinés. Encore plus sombre et terrifiant que les précédents, ce troisième et dernier volume est centré sur la fuite d’Émile et de ses amis à travers les bois : ensemble, ils trouveront les ressources pour se jouer de leurs tortionnaires au faciès d’animaux. C’est là une brillante idée des auteurs : dessiner en renard, blaireau ou hibou les adultes qui maltraitent les enfants, et qui perdent le peu d’humanité qui leur reste quand ils se muent en prédateurs. Avec ses petites pages, son nombre de cases réduit, et son texte sobre, La Pension Moreau paraît accessible aux plus jeunes : mais le récit est si sombre et violent qu’un accompagnement sera nécessaire pour bien appréhender le projet, original et engagé. TT Trois tomes disponibles. Par Benoît Broyart et Marc Lizano. Éditions de la Gouttière, 48 p., 14 €. À partir de 10 ans. […] https://www.telerama.fr/enfants/bd-pour-enfants-que-ferait-on-sans-ses-amis,n6572773.php
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« Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan ! Qu’est-ce que c’est que ces hurlements ? », le premier tome de La Pension Moreau s’ouvre sur ces mots tirés de La Chasse à l’enfant, poème de protestation écrit par Jacques Prévert lorsqu’en 1934, les habitants de Belle-Île-en-Mer effectuent une battue pour ramener les enfants évadés de la colonie pénitentiaire.
C’est ce bagne qui a inspiré au scénariste Benoît Broyart l’histoire d’Émile Lefort, un jeune garçon réfugié dans son mutisme qui passe son temps à dessiner. Ses parents ont décidé de le confier définitivement au Professeur Turoc, le hibou directeur de la Pension Moreau, qui moyennant cinq lingots d’or, entend bien « le replacer dans le droit chemin ». Entre corvées, brimades et châtiments, le quotidien du pauvre Émile tourne vite au cauchemar. À la Pension Moreau (clin d’œil à L’Île du Dr Moreau, le roman de H.G. Wells), seuls les enfants ont un visage humain. Les adultes sont des animaux dont l’allure bestiale est renforcée par les plans serrés, et les grosses têtes caractéristiques de Marc Lizano. Le dessinateur a su créer une atmosphère très sombre autour d’Émile et ses compagnons d’infortune : Paul, Victor et sa sœur Jeanne. Dans le décor austère du pensionnat, une amitié fragile se tisse entre les quatre enfants auxquels, de jour comme de nuit, l’histoire ne laisse aucun répit. Même s’il met en scène un univers spécifique où chacun réagit à sa manière, on mesure à travers cet album combien la place de l’enfant dans la société a pu évoluer depuis les années 1930. Il faudra attendre la suite de la trilogie conseillée à partir de huit ans, pour savoir de quelle façon nos héros sauront se défendre face à « la meute des honnêtes gens ». |
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